"Il m'arrive de ne plus avoir envie de sortir de ce monde de mythes et même de ne plus savoir où est le monde réel".
Ces mots sublimes de perdition sont de Hugo Pratt. L'autre visage de Corto Maltese.
Corto, fils d'un marin de Cornouailles et de la belle Nina de Gibraltar. Corto est à la fois profondément celte et gitan. Ce sont peut-être ses racines qui lui font répondre, très tôt, à l'appel de l'aventure, au silence de la mer, au cri du rêve et de la magie...
Et Corto se découvre romantique. Romantique désabusé.
Un solitaire qui compte des amis, qu'il ne reverra peut-être jamais, un peu partout dans le monde : Cush le terrible nomade fou d'Allah, l'envoûtante Bouche Dorée, sorcière vaudou, et surtout Raspoutine, son ennemi, son ami, son double...
- Raspoutine : "Un jour je te tuerai Corto"
- Corto : "Et moi je te tuerai un soir".
Corto vit dans le rêve comme dans l'action : il participe à certaines rébellions, du coté des opprimés, des causes perdues, mais sans jamais s'y impliquer vraiment, que ce soit en Chine ou en Siberie. Corto, c'est aussi la richesse de la vie intérieure.
A Buenos-Aires, Corto parle à la lune, qui a l'avantage d'etre deux.
A Venise, la plus magique des villes, il ouvre la porte qui le mènera vers un nouveau rêve.
En Angleterre, il devient le héros malgré lui de l'enchanteur Merlin, d'Obéron le roi des Elfes, de Morgane, de Puck le faune qui se déguise en corbeau pour lui parler dans ses songes et des fées qui combattent à leur manière l'invasion allemande...
Corto qui part à la recherche du trésor d'Alexandre le Grand, non pas pour l'or, mais pour l'aventure, comme il partira à Mû, en Suisse, tout en se récitant des vers de Rimbaud...
En Amerique du Sud ou dans les Caraibes, Corto cherche d'abord à s'amuser, car il n'est pas un conquérant. Ce qu'il obtient est comme le vent, lui glissant entre les doigts parce qu'il a volontairement ouvert la main.
Entre réalisme et onirisme, Corto traverse le monde et les époques, trainant sa silhouette nonchalante, cigarette aux lèvres, ses lèvres où subsiste un éternel sourire teinté d'ironie.
Et Corto aime à ironiser sur tout, la vie, les gens... et pourquoi pas, sur lui-même, lui qui se sent en constant décalage... Corto qui aime les femmes, mais ne parvient jamais à s'attacher. Des femmes qu'il laisse s'enfuir, mais aucuns regrets, et il ne faudra retenir que cet air de mélancolie tranquille.
Voilà que je me surprend à penser que oui, Corto a rencontré Jack London et Staline, qu'il connait Lawrence d'Arabie, J.M Barrie ou des guerriers issus des anciennes légendes...
Oui, Corto a véritablement foulé les rues de Venise, traversé les déserts d'Ethiopie, tel Ulysse errant. Le monde de Pratt nous offre des clés, déchire l'horizon. Je souris devant les mensonges de Pratt, lui qui romanca indéfiniment sa vie... Poésie sans fin, se lover dans la vie et la regarder sous le prisme, aux milles couleurs, de la magie.
Se laisser porter, comme Corto, au gré de son instinct, laissons-nous mener là où la vie et le coeur nous mènent. Où bon lui semble ! Le temps s'égrènera à notre envie, la mort ne sera plus à craindre.
Une seule envie subsiste.
Suivre Corto, loin. Toujours plus loin...
1 commentaire:
Excellent! Notamment au niveau de la reverie et de l'homme du destin...En tant que fan de Maltese, j'adhère totalement a ta vision de cette grande bédé!
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