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lundi 20 août 2007

Nothing...

Voici les deux pôles de mon être.
En tout cas, ils en sont une représentation quasi-parfaite.
L'être cornu, c'est le mal.
Mon mal, serait plus juste. Mon ami.
Il a une porte ouverte sur le coeur ou il laisse entrer six petits démons qui ont pour nom Colère, Mélancolie, Déception, Jalousie, Angoisse et Doute. C'est une soirée, il porte complet et noeud papillon.
Il n'y a pas plus séduisant que lui.

Colère est ce petit démon de couleur rouge armé d'un trident ou d'une épée, parceque lui ne reste jamais très longtemps dans le boudoir qu'est le coeur de l'Être Cornu. Colère a le plaisir d'être ephemère, voilà pourquoi il est armé, pour pouvoir palier au Temps qui ne lui en laisse pas beaucoup.
Colère volète très vite un peu partout, pique avec son arme comme on le lui a appris. Plus il tape, plus ça saigne, quelques goutelettes souillent son visage, mais il est comme un vampire et ce sang le nourrit. Le Cornu marmonne que cela est tout de même un tout petit peu douloureux. Son repas consommé, Colère va s'endormir dans un coin, roulé en boule, il ronfle un peu tandis que Jalousie se penche sur lui.

Elle a une idée.
Couper ses cordes vocales peut-être, pour ne plus entendre ces ronflements atroces. Mais Jalousie n'est pas très au fait des questions d'anatomie, et ne sait si l'abblation des cordes vocales empêcherait un tel fléau. Jalousie est un papillon de nuit et reste souvent dehors sous les lampadaires. Elle a souvent observer les couples et pourrait vous en dire beaucoup sur Jack l'éventreur et Sweeney Todd. Elle revient quand ça lui chante, dans le coeur du Cornu, surtout quand la porte est grande ouverte. Elle s'y engouffre à toute vitesse avec un grand cri de joie, malgré sa petite taille, ce cri est puissant et chavire par sa brutalité. Une fois posée, elle questionne...et n'arrête plus de questionner. C'est une bavarde impénitente.
Ses questions sont des affirmations, et toutes commencent par "Imagine...".
Imagine ceci et cela. Le Cornu hausse les épaules et lève les yeux au ciel.

Doute et Déception arrivent ensuite, et le premier la fait taire avec une volée de pierres qu'ils ont trouvées dans le coin du boudoir le plus aride. Doute et Déception font la course avec Jalousie, elle leur remet un précieux petit paquet quand elle les a rejoint. Et c'est beaucoup plus dur qu'il n'y parait...
Car Doute et Déception sont siamois, et courent sur trois pattes. Doute étreint le coeur entre ses mains puissantes. Pressé de cette manière, le coeur laisse quelques gouttes couleur raisin tomber. Le Cornu râle. La flaque qu'elles forment au bout d'un tout petit moment est une piscine pour eux, qui s'amusent à sauter dedans à pieds joints, de ces trois minuscules pieds, pietinant sur place comme pour une danse ancienne. Doute et Déception se donnent la main, et Déception sort de sa poche une petite bourse que Doute ouvre, renversant son contenu sur la main de son frère. Celui-ci n'a plus qu'à souffler doucement dessus pour la répandre à sa convenance. Cette poudre, c'est l'essence qu'il a arraché de lui-même au prix d'une vive douleur. En soufflant dessus, il respire un peu de lui. Il cache son visage dans le cou de son frère et murmure pourquoi ...? Je ne sais pas, répond Doute. Le Cornu verse une larme.

Dans cette mascarde arrive Angoisse. Angoisse est le plus grand de tous, un nez comme Polichinelle, des bras comme des Ombres, de grandes manches d'ou surgissent des êtres ailés, et des serpents. Angoisse est tactile, et aime à étreindre les gens. Ses manches vous enserre et dégage une odeur étrange, qui suffoque. Même le Cornu a un haut-le-coeur. Il défaille.
Il l' embrasse de tout son corps, mais ne serre pas fort. Son coeur à l'unisson du Cornu, il le fait battre plus fort, plus vite. Le feu est dans sa poitrine, il brûle trop vite, s'étend de plus en plus...quand Angoisse a fini, et, se desinteressant de tout, va mourir quelque part, dans le bas du ventre, le Cornu souffle un peu.

Et le joyau de cette noble assemblée, Cousine Mélancolie, fait son entrée. Cousine Mélancolie est douce. Comme l'eau, elle est double. Dans ses mauvais jours, elle peut piquer à coups d'aiguilles le coeur. L'être cornu sursaute. A chaque coup d'aiguilles, elle marmonne. C'est une litanie sans fin et comme les Sirènes, Cousine Mélancolie peut vous emmener dans ses Abysses. Elle a des chaînes, là en-dessous, et il suffit d'un battement de paupières pour rester là, dans les chaînes et les sables mouvants.
Si Cousine Mélancolie est dans un bon jour, un joli jour, alors elle prend le coeur dans ses bras dans un geste très doux, et affamée, quémande un peu d'amour. Aime moi. Aime moi, juste un peu. Nous sommes seuls, l'un comme l'autre. Chéris moi. On ne m'aime pas. Je fais peur.

L'Être Cornu ouvre son coeur. Il laisse s'envoler, fuir, tous les petits êtres. Il a comme un vide.
Il a bien reçu les messages de Colère, Doute et Déception, Angoisse, Jalousie et Cousine Mélancolie.
Il a tout noté sur des petits papiers, il s'est constitué des petites fiches, les a collées sur le mur.
Ensuite, l'Être Cornu attend, sagement,dans le noir, que l'on aille se coucher. Il vous attire à lui, vous attrape,vous serre et vous demande de ne pas le quitter.
Il est tellement seul lui aussi.
Et en plus,il a inventé un nouveau jeu, qui, dit-il, ne devrait pas déplaire, oh non!
Et il le jure en crachant.
Croix de bois, croix de fer...c'est un jeu ou je te ligote avec mon fil, ainsi, tu ne partiras pas, et ne m'abandonneras pas. Nous sommes liés par ce fil, je suis une voix et toi mon écoute, mon réceptacle, mon ami.
Ecoute bien ce que je vais te dire, et prend une grande inspiration, le jeu auquel nous allons nous offrir corps et âme peut s'avérer parfois, et juste un peu, douloureux. Les mots que je vais lire, dans mon jouet en carton, je vais te les envoyer, et tu vas découvrir ce que j'ai découvert, ce soir, et sache que je l'ai fais pour toi. Uniquement pour toi !
Et sois tranquille mon enfant. Je n'ai pas convoqué Perte, Abandon, Meurtre,Mensonge, Souffrance et Pleurs.
Une autre fois, peut-être, quand tes yeux seront clos,quand tu auras cessé de trembler, quand ta bouche se sera fermée sur ce cri muet, et que tes larmes se seront taries.
Une autre nuit, quand j'en aurai le courage.

8 commentaires:

prométhée a dit…

Comme toujours Fauna, c'est avec le plus grand plaisir que l'on te lit.
Cette histoire, une peu folle est géniale, merci à toi.

Fuchsia a dit…

Merci Promethée !
Ce (trop) généreux commentaire me touche...

Anonyme a dit…

Je ne te connais pas Fauna: difficile de dire si cette histoire est un peu folle ou un peu vraie (ou follement vraie). En tous cas, c'est bien écrit, sombre et touchant.
Bref, beau.

Lamousmé a dit…

ekwerkwe je crois bien que personne ne peut connaitre vraiment Fauna...est c'est ce qui la rend si spéciale...en tout cas c'est comme ça que je l'aime!!!

Anonyme a dit…

C'est complètement fou,j'adore... ^^

Holly Golightly a dit…

Ma Fauna, ce texte parle de moi du premier mot au dernier. Il est universel. Il est l'intelligence faite sensible. Non, il n'est pas fou. Il est d'un réalisme saisissant sous la poésie. Tout ça, c'est du vivant. Il y a un son qui me rappelle Cocteau pour certaines choses.
Tu es l'une des personnes que j'aimerais avoir près de mon lit de mort. Tu sais tous les chemins de la vie et de la mort.

Anonyme a dit…

Très chère Fauna,
un texte de qualité encore une fois, une approche décalée et non moins dénuée de sensibilité, celle de l'indicible errance de nos pensées.
Tu es unique Fauna, tout comme tes écrits magnifiques, continue de nous faire voyager de la sorte mon amie, car la route est si belle auprès de toi.

Anonyme a dit…

Chère Fauna,
je suspend juste un instant le temps pour te dire qu'en lisant ton texte, mon cœur, pleure doucement mais d'une joyeuse douleur, perdu entre crainte et certitude mais en terrain connu.
Juste ces quelques mots pour encore une fois te dire simplement : touché......et surtout merci.