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lundi 1 décembre 2008

Premier décembre

L'Hiver est là !
Bien sûr que nous sommes en hiver. L'automne s'en va sur la pointe des pieds dès qu'arrive le Premier décembre. C'est ainsi. Le Premier décembre frappe fort aux portes des maisons, et il souffle à l'intérieur même des crânes. C'est l'hiver, et on se met à tricoter des pensées comme des cocons, parce qu'en hiver, il fait un peu froid, et la saison brûle les pensées. Ne surtout pas les laisser s'évader. Et Neuschwanstein est tellement plus beau en Hiver, un écrin pour les pensées d'enfants endormis qui ont perdu leurs jouets.


André disait à Tabitha qu'il n'aimait pas l'hiver et le mois de décembre, alors que c'était le mois et la saison qui l'avait vu naître. Certains n'aiment pas être baptisés par des flocons de neige. Tabitha savait parfaitement quoi lui répondre. Elle lui dit qu'en Décembre, il y a la nuit, les étoiles, le chocolat chaud, les bougies, Saint Nicolas et le Capricorne.
André est un Capricorne typique.
Un vieil homme de l'ombre, tapi derrière la saleté, les haillons. Il a le verbe rare. Il ne voulait plus frayer avec les gens gentils. Un vieil homme effrayant et tous les enfants, quand il avait le dos tourné, l'appelaient l'Ogre. André avait les poignets alourdis de chaines invisibles, et les regrets étaient son oreiller de songes, alors il rasait les murs, frôlait les arbres, et il se cachait derrière sa longue barbe et ses longs cheveux où les araignées faisaient leurs nids.
L'Ombre est souvent le repaire du Capricorne, et il faisait comme si il avait quitté le monde, un jeu comme un autre. Un jeu, parce que derrière sa taille de géant et la crasse, il y avait un petit garçon raidi, triste, un peu amer. Un petit garçon très vieux. Et il rencontrait le Capricorne, dans cette partie de la Vallée où la Nuit semble éternelle. Et toujours aussi raide, l'échine courbée, l'angoisse fichée dans le ventre, il finissait par suivre l'immense Bête dans les Abîmes, et c'était injuste car les autres allaient dans les montagnes en feu et les cimes qui trouaient les nuages. C'était très dur, ce que lui demandait la Bête, c'était effrayant, il fallait trouver le courage de lever la tête, la relever fièrement, et il faut toujours la lever, même quand on est plus bas que tout, parce qu'aucun de ses enfants, disait la Bête, n'avait jamais été un lâche. C'est difficile parfois et dangereux, attirant aussi, de regarder longtemps l'abîme, et il y a toujours un moment où on se dit "Allons-y". Il faut fermer les yeux, et plonger, en évitant de trop penser à cette douleur là et à cette douleur-ci, elles se rappelleront à nous bien assez tôt.
Je ne sais pas exactement ce qu'a vu et ressenti André, mais je le devine, un peu. Tous les jours, je plonge dans l'abîme, et je me heurte à quelque chose de pas très joli. Mais ne jamais oublier que tout au fond, on trouve parfois l'Or du Rhin.
Et voilà.
Vient décembre et il faut sortir de l'eau, un peu plus écorchée, reprendre le chemin qui mène au Cabinet des Fées, chemin bordé d'arbres morts, derrière un lapin blanc, dans un traîneau emprunté à Ludwig. Ce qui est peut-être un mensonge, puisque je ne quitte jamais ce chemin qui a de multitudes de couleurs, il mène à mon Grenier où je continue d'entasser.
Mon baptême fut une valse de flocons de neige, et Casse Noisette devient conteur, à cette époque de l'année. On patine sur la Serpentine gelée. On danse la polka dans les cimetières. Il s'en passe des choses, dans un Grenier. Je suis un Ours qui, lorsqu'arrive l'Hiver, voit son cœur juvénile, à moins qu'il ne soit très vieux, bondir de joie, bondir plus haut que de coutume. Peu importe si ça ne dure pas longtemps. Et pourquoi ? Personne ne le saura jamais vraiment. C'est un mystère, un de ces secrets qui se refuse à toutes explications.
C'est peut-être à cause de la nuit, et des étoiles, des corbeaux qui dorment dans la forêt, des Fées qui s'engouffrent dans la maison pour se protéger du froid, du chocolat chaud, et je leur en offrirai une tasse.

2 commentaires:

Holly Golightly a dit…

Et, mon coeur rassasié de te lire, mon Amie...
Toi seule au monde apaise cette faim-là.
Je finissais un petit message pour toi et je suis venue relire les deux derniers textes de toi et il y avait celui-ci en plus.

Fuchsia a dit…

Et ces mots, ma Holly, je les dépose dans ma boîte à trésors.
Je te réponds, très vite.