est un mot que j'ai banni de mon vocabulaire, de mon univers.
Ce mot n'existe pas et est remplacé par l'acceptation.
Pas d'illusions : cette acceptation est difficile à apprivoiser. C'est les pleurs dans le noir. Ce n'est pas un travail sur soi, pas plus que le fait de l'habitude, et c'est quelque chose de bien plus fort, et de bien plus étrange, où il convient de prendre un long chemin, un couloir sombre, à peine éclairé, et de laisser derrière soi quelques petites choses. Laisser tomber ces choses de la poche. En les perdant, il faut se dire qu'on les a oubliées. C'est comme ça, on les a laissées tomber, on les a oubliées.
Essayer de ne pas revenir en arrière parce qu'on ne se rappelle plus quelle porte au juste on a pris. Etait-ce celle de gauche, celle de droite, celle du milieu peut-être ? On balance entre les trois, tanguant sur la pointe des pieds comme sur un bateau. C'est la route épineuse qui mène à la perdition si l'on n'y prend pas garde. L'effervescence est douloureuse et le choix est obligatoire.
Quand on prend la porte de gauche, on se rend compte qu'il aurait mieux fallu prendre celle de droite, et comme le retour en arrière n'est plus vraiment possible, on est alors définitivement perdu. Il n'y a plus que deux options : pleurer et pleurer pendant des heures en s'asseyant dans un coin, et se dire que puisque tout est perdu, autant s'arrêter là et attendre, assis comme une pauvre poupée triste, ou bien, se faire violence, se gifler violemment, et se dire qu'on ne sera pas abattu aussi vite, et on reprendra bravement le chemin, les pieds en sang sur le sable chaud du désert. On prendra cette fois la porte de droite, même s'il fallait prendre celle du milieu. Et on aura le droit de pleurer. Et on aura même l'obligation de pleurer, ou le devoir. Quelque chose comme ça. Quelque chose qui a un nom, mais on ne sait plus lequel.
Les larmes devraient être la seule offrande aux morts, quels qu'ils soient, et ne surtout pas faire offrande, à ces morts, de la mort de l'âme et du coeur, et du désir. Ne nous excusons pas de vivre ensuite, même si l'amour mériterait la mort, même si la mort est un trou béant, une cicatrice jamais guérie, mais le trou se remplit et la cicatrice ne doit jamais guérir. Il y aura l'envie, au bout d'un moment, à la troisième ou quatrième perte, parce qu'on ne s'habitue jamais, de se laisser définitivement aller, de se laisser voguer, d'abandonner. L'anticipation est le plus terrible, le plus douloureux. Mais le futur n'existe pas, jusqu'au moment où comme Achille, on décidera que notre Mort aura plus d'importance que notre Vie.
Ou c'est peut-être, sûrement, déjà le cas.
Surtout, ne jamais, jamais dire "prends mon coeur, et prends mon souffle, et prends mes muscles, et prends mes os : je n'en ai plus aucune utilité".
1 commentaire:
Très beau texte que les meilleurs Grecs ne renieraient pas.
A tes larmes, je mêle les miennes, pour diverses raisons. Merci, ma Fauna.
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