Je ne quittais pas mon fauteuil et le spectacle de la rue s'offrait à moi, à travers la grande fenêtre, là où le rideau est déchiré et brûlé. Je suis de celles qui ne peuvent quitter cet endroit, car c'est là qu'on y relègue les bibelots, les peaux d'âne, les fous, on y entrepose la Mandragore et les Missels usés par les siècles. C'est l'endroit où les maris déçus oublient leurs femmes, là où les enfants retournent toujours parce qu'ils savent qu'ils doivent se souvenir de quelque chose, c'est l'endroit où les photographies jaunies, dans leur cadre ciselé d'or, sont accrochés au mur parce que plus personne, en bas, ne veut se rappeller le passé, c'est l'endroit où celles qui ne coiffent pas leurs cheveux attendent que le temps passe, elles mettent leurs mains dans les seaux de peinture et dessinent sur les murs et leurs chemises de nuit qui appartiennent à une autre. Parfois dans la poussière, on peut trouver un crayon et c'est là que l'on commence à écrire. Que s'est-t-il passé dans la tête du Fils de l'Homme, celui qui le Premier décida d'écrire autre chose qu'un livre de comptes ?
Entre cette heure et la suivante, je suis habituée à voler car je ne marche jamais, surtout pas à cette heure, et je suis étonnée de voir que je suis clouée à ce fauteuil de velours, mais comme je ne saigne pas et que mes mouvements sont libres, je préfère attendre alors j'attends, et puis j'attends encore une heure et l'heure suivante, et puis sursaut, un homme vient allumer le feu dans la cheminée pleine de toiles d'araignées parce qu'il pense que je peux avoir froid, je ne vois pas son visage et ne le remercie pas, parce que le feu, malgré mes tendances pyromanes, me donne toujours mal à la tête, c'est la forge de Vulcain et c'est le rythme barbare, mais il faut du courage et savoir rester à l'affût de tout, rester éveillée. Les muscles de ma mâchoire sont contractés et il y a le rappel de ce papier que je tenais entre les mains, il y a quelques mois, où il était écrit que j'en garderais toujours une certaine raideur et les mots étaient vérité parce que j'avais signé au bas de la page. Et la neige se met à tomber à l'extérieur et à l'intérieur, je crois qu'il y a un trou dans la toiture, tout se fige. Et de l'ombre sort ce Canidé et je le connais et j'attends qu'il me parle, et de minute en minute il n'y a que le silence, et de seconde en seconde, j'ai de plus en plus froid et pour ce jour je n'attends qu'un mot, une parole, parle-moi. La tête de la bête se pose contre mon genou, un cri sort de sa gorge, et je pose ma main sur sa tête et je crois sourire, parce que ce contact est un souvenir de Joie.
Silence et le gel, nous restons là, chacun avec la plaie que nous avions cru guérir, le trou béant qui est l'Absence et lui en est le symbole, est-ce une bonne chose d'avoir un coeur si mou, toujours un bleu s'y dessine si une main ou un cri vient à l'effleurer, vaudrait-il mieux l'arracher de sa poitrine et l'offrir les bras tendus à celui qui nous blesse, car on ignore si on aura le courage nécessaire pour la fois prochaine, en sachant qu'il y aura une fois prochaine. La bête gémit tandis qu'elle plonge son regard couleur ambrée dans le mien. Un son très doux comme le bruissement dans les feuilles sous la brise, comme la nostalgie et comme la tendresse et les autres peuvent bien hurler dehors, j'ai son coeur à nu entre les mains et je ris, et en jetant la couleur sur le sol et les mots dans la cheminée, si jamais plus a existé, je m'y accroche.
6 commentaires:
j'aime bien cet endroit là
(belle nouvelle présentation)
Merci Wictoria. J'aime aussi cet endroit. Il est vaste et petit à la fois, entre autre.
Pour le nouvel habillage - que je n'ai pas crée, je n'y suis pas assez douée, je suis tombée dessus par hasard et il m'a plu, je n'ai eu qu'à me servir - c'est mieux ainsi, c'est plus aéré, et donc mieux pour la migraineuse que je suis (et les autres !).
Vrai : le nouvel habillage met très bien en valeur, car il apporte de la clarté à la mise en page, ces textes qui sont tous des chefs-d'oeuvre.
Et celui-ci, encore plus que d'autres, qui pourtant sont magnifiques.
L'Absence, l'Absence, l'Absence... La couleur de l'Absence.
Beau blog et beau texte. Je m'abonne !
Merci à vous, Diabolo-Menthe, d'avoir pris le temps de déposer ce petit mot. Cela me fait toujours plaisir !
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