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mardi 25 novembre 2008

Joyeux anniversaire, Monsieur O.

Je fête les anniversaires de mes amis à deux pattes. Je ne vais pas jusqu'à leur offrir des cadeaux ou un gâteau d'anniversaire, même si l'idée reste plaisante. Mais non, je reste devant l'agenda ou le calendrier et je me dis que c'est aujourd'hui, et je me contente de les regarder pendant un petit moment, alors qu'ils dorment, ou qu'ils jouent, qu'ils me regardent les regarder.
Le 20 novembre, c'était l'anniversaire de Monsieur O., le plus vieil habitant de la maisonnée, si l'on excepte les livres. Il a des yeux noisettes qui semblent toujours agrandis par de formidables rêveries et un long poil soyeux. Il aime bien fureter dans tous les coins de la maison, même ceux qu'il connait par coeur. Il aime bien aboyer dès qu'il entend un bruit suspect, et des bruits suspects, il y en a tout le temps. Il aime bien frotter son museau à tout ce qui bouge, les jambes des gens, surtout. Il aime à sauter sur les genoux quand on regarde un film, et dormir là, la tête sur les cuisses. C'est un envahisseur qui aime à prendre toute la place. Il est né un 20 novembre sous le signe du Scorpion, et il parait que le Scorpion est un signe difficile. Je ne contredirais pas les spécialistes.
Chien fou, il a envahi la maison, comme une tornade, après que Premier Chien soit parti, un jour de novembre. Lui, c'était un vieux chien de presque 16 ans, doux et distant. On doit certainement posséder un 6ème sens, qui est celui de la mort, un instinct qui nous fait savoir, même quand on a pas envie de le savoir, que quelqu'un est sur le point de s'en aller. Alors un matin de novembre, cet instinct me fit prendre la patte de Monsieur V. dans ma main, alors qu'il s'était allongé sur la couverture qu'on ne pouvait plus lui enlever sans qu'il grogne tout doucement, et il est parti, tranquillement, en me regardant. Et je n'ai pas lâché sa patte. Et on m'a dit que j'en faisais trop, que j'avais bien tort de pleurer pour un animal, car après tout, c'était juste ça, et rien que ça : un animal. Et à cela, je ne réponds jamais, parce que je ne vois jamais quoi répondre.
Quelques temps après que Monsieur V. soit parti, Monsieur O. pointa le bout de son museau, timidement derrière la porte, tâtonnant avec sa petite patte le carrelage froid. Satanés soirs de décembre. Le petit bonhomme dut faire ses premiers pas tout seul, car la réserve me rend distante, surtout au premier face à face. Je l'ai regardé alors qu'il furetait un peu, autour de lui, un tout petit peu. Il avait peur, c'est certain, et il devait se demander où diable on l'avait emmené. Je me suis toujours sentie un peu coupable d'arracher un tout petit chien à la protection maternelle. Tétanisé, il s'est assis en plein milieu du tapis. Nous nous sommes regardés, et je lui ai dit qu'avant lui, il y avait un chien bon, et noble. Je lui ai dit que ce ne serait pas facile pour lui, au début. Et ce chiot qui n'osait plus bouger m'attendrit malgré moi et me fit pleurer encore plus. Et comme j'étais triste, et lui aussi, je l'ai pris le soir même dans mon lit, où il s'est roulé en boule sur l'oreiller. C'était doux et rassurant, cette boule de poils qui ronflait doucement et qui sans me connaitre, déposait en moi sa confiance, sans arrières-pensées. Petit bonhomme, il ne faudra surtout pas te décevoir.
Monsieur O. n'aime pas Anne Rice. Il détruisit en quelques morsures la couverture d'Entretien avec un vampire. Ca ne me dérangait même pas, je n'ai jamais beaucoup aimé Anne Rice. Il compris très tôt qu'il y avait autre chose que les quatre murs de la maison, c'est un esprit frondeur, un mousquetaire de l'aventure. Monsieur O. fait souvent des bêtises, et bientôt, sa passion sera de dévorer tous les mouchoirs qu'il trouve. Tu es dégoûtant, lui dira-on. Lui n'en a cure. Ca doit être amusant, de manger tous ces mouchoirs. Monsieur O. est toujours un enfant. Comme sa maitresse, il a souvent des noeuds dans les boucles de ses longues oreilles. Comme sa maitresse, c'est un gourmet, un gourmand. Comme sa maitresse, il aime les ballades, quand il n'y a personne, humer le parfum de la forêt et jouer avec les feuilles. Attention, celle-ci, poussée par le vent, part à l'attaque ! Il convient de ne pas la laisser faire, bien campé sur ses quatre pattes. En rentrant, il aime bien dormir surtout. Manger, puis dormir. Il est alerte, sauf au sortir du réveil, et remue la queue dès qu'il voit les gens. Il se roule de préférence dans la terre, mais il parait que tous les chiens font ça. Et puis au fil des jours, Monsieur O. s'assagit. Il court moins, ça l'essouffle, et peut-être que ça l'agace, parce qu'il aime décidement trop courir. Parfois dans la nuit, il confond le mur avec la porte de la chambre quand il veut sortir, jetant un regard derrière son épaule parce que sa maitresse ricane en le regardant gratter le mur. Il se contente de la regarder en levant les oreilles quand elle rit, et quand elle pleure, il la regarde en s'asseyant à ses pieds. Il tombe dans les escaliers en les descendant trop vite, trop pressé d'aller dehors. Il regarde d'un drôle d'air Monsieur T., qu'il ne doit pas bien comprendre. Après tout, il ne le connait que depuis peu, c'est un tout nouvel arrivant. Et allons donc ! Il joue tout le temps, et lui saute dessus, et lui mordille la patte. Tout cela n'est plus pour lui. Et on évitera de dire que Monsieur T. est bien gracieux, parce qu'il n'aimerait pas nous l'entendre dire. Il est trop vieux pour tout ça, et il préfère dormir de tout son long, en rêvant. Oui oui, il rêve, et pas que de nourriture, et pas que de chasse au lapin. Et dire qu'avant, il courait tout le temps, et c'était lui qui sautait sur les autres. Quelle déception ! Si vous l'aviez vu à la glorieuse époque, il vous aurait épaté, étonné, et vous l'auriez applaudi et lui, il aurait remué la queue en balançant son arrière-train dans le même mouvement pour accueillir vos applaudissements. Est-ce qu'il se rend compte que ce corps, et ce souffle, le trahissent à chaque minute qui passe ? La nuit prend des allures de romans gothiques.
Il est aisé de deviner quand Monsieur O. est triste. Il vient poser sa tête sur la cuisse et vous regarde de ses grands yeux noisettes. et dans ces yeux, toute la gravité du monde. Et il nous dit de faire attention à lui, le chat l'épie et c'est mauvais signe, ça veut dire qu'il veut jouer et lui est tellement fatigué.
Les mois de novembre sont tristes. Il y a beaucoup de gens aimés qui sont partis en novembre. Monsieur V. bien sûr, et Grand Père, Mervyn Peake et Alice Liddell, et le duc Max. Les mois de novembre me font trembler, un peu à cause du froid.

7 commentaires:

Xoan a dit…

Joyeux Anniversaire Monsieur O.
Ton texte est terriblement touchant en connaissant l'affection qui te lie à lui et les soucis qu'il endure.
Je vois tant d'amour entre chaque mot, chaque ligne...
N'oublies pas de l'embrasser pour moi et murmure lui à l'oreille, quand les nuits sont trop froides, que j'ai souvent une petite pensée pour vous.

Fuchsia a dit…

Merci de ce petit mot qui me touche, et qui touchera aussi Monsieur O., j'en suis certaine.
Je l'embrasse sur le museau de ta part, et t'envoie une petite pensée.

Anonyme a dit…

Joyeux anniversaire à Monsieur O. C'est un texte très touchant que tu offres... Adorant les animaux et partageant aussi ma vie avec un chien, je me suis sentie interpellée par ton texte...

Fuchsia a dit…

Je ne puis dire que : merci Allie, pour Monsieur O. et la gentillesse de ton message.

Holly Golightly a dit…

J'ai beaucoup d'affection pour Monsieur O. Et une Amitié incommensurable pour sa maîtresse.
Ton texte est magnifique, mais c'est un truisme. Ce que tu éprouves pour lui, je l'éprouve pour mes propres amis à 4 pattes.

Anonyme a dit…

Ma foi, c'est peut être le mauvais endroit mais j'ai trouvé le topic approprié.
Je m'en viens te souhaiter un bon anniversaire ma Soso.
Tu devines qui je suis, la passionnée d'astro que je suis ne pouvait oublier ton anniversaire, ni toi d'ailleurs.
Je t'embrasse fort, sache que je ne t'ai pas oubliée.
Vanessa

Fuchsia a dit…

Hello ma chère Vanessa, je ne t'oublie pas non plus ! Merci d'avoir pris le temps de laisser un petit mot à cette occasion. J'espère que tout va bien, que tu vas bien.
Et à très vite, peut-être !